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Croisiere.

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Subject: Re: Croisiere 07
From: Olivier Paquet
Date: Tue, 25 Aug 1998 10:41:12 +0200
Date: Tue, 25 Aug 1998 10:41:12 +0200
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Haut de page Croisiere. 13


Tout se précipite, surtout quand on aspire au calme.
Je me suis tout juste tire d'une emmerde pour me foutre dans une autre. Normal, j'ai le don...

L'Isadora est un claque aux bordures du quartier des Lampes Rouges : sobre, mais avec du passage, pas l'idéal pour se cacher.
J'aime pas vraiment ça, à cause de la flopée de Grands Gris qui rôdent pas loin (s'ils n'avaient pas le sexe en horreur, cela ferait longtemps qu'ils auraient tout remis en ordre.
Mais ce quartier étant la soupape de sécurité de la ville, ils le tolèrent : ils ont plus peur des révoltes que du sexe tarifé.).

"Salut Fred!" "Salut l'Anguille. Elle t'attend en haut, dans ta chambre habituel, avec Rodolfo. Amusez-vous bien!"

Très drôle, l'a bouffé du clown ce soir le Fred !
J'aime pas trop ces allusions, et vous? Pareil, hein?
Bon, chambre, c'est un bien grand mot pour décrire le taudis où Rodolfo m'attend.

Un lit, une table, des chaises et un minable fenestron pour toute ouverture. Ça doit lui changer à la noble!
Ah tiens, en parlant d'elle! Je comprends ce que voulait dire Gina : un vrai gyrophare. Une combinaison holo, des colliers luminescents, et l'ensemble qui cliquette et brille : autant dire aux Gris "Venez, j'suis ici!"
Ceci dit, elle est super bien roulée.
Plutôt jeune, de magnifiques yeux bleus, et des cheveux châtains, coupés courts : rien à reprocher à la marchandise.
Y'a des filles de Gina qui s'raient jalouses en la voyant.

"Vous savez où se trouve Minh et le Farao Nero? me demande-t-elle immédiatement"

"Le...la Minh (purée, je m'habituerai jamais à son changement de sexe!), oui, mais vous le verrez plus tard, pour l'instant, on cherche un moyen de vous déplacer sans rameuter toute la police locale. Enfin, les gars en Gris...

"Je comprends...mais c'est très urgent!"

Sans rire ? Elle me prend pour un idiot ou quoi ? Soudain, de grands cris montent de la cage d'escalier.
On entend des bruits de bottes et des portes qui claquent. Rodolfo part regarder, puis revient aussitôt.

"Merde, le Corpsard, vite, prend la poupée et tire-toi!

"Et où, ducon? Y'a pas d'issue sur le toit, et j'imagine mal qu'ils nous laissent emprunter les égouts, tu sais...
"

Tiens, mon pendentif réagit. Tu sais mon p'tit, je savais qu'on était en danger, tu ne m'apprends rien! Bon faut trouver un truc, rapidement.
Moi, je crains pas trop, ils n'ont pas mon signalement, mais la poupée... Ah! J'suis con moi des fois! J'ai la solution, évidemment. C'est tellement marrant que j'y avais pas pensé.

"Rodolfo? Approche, j'ai un truc à te demander. J'ai pour toi un rôle dans lequel tu vas exceller..."

Le chef du peloton de Grands Gris a défoncé la porte.
Ce qui est amusant chez eux, c'est qu'il sont incapables de concevoir qu'une porte puisse posséder une poignée et des gonds.
Ils sont au moins six à pénétrer dans le réduit.

"Où est la fille? me demande le chef

"Quelle fille? y'a que ça ici, des filles...

"Te moque pas de nous, me répond un jeune Gris hyper-nerveux."

"C'est qui lui? dit le chef en me désignant Rodolfo

" Celui-ci est assis sur le sol, jambes croisées, et se balance d'avant en arrière.

"C'est l'idiot de la maison, je le surveille pendant que sa mère travaille...

" Le chef s'approche de Rodolfo et regarde attentivement ce qu'il a dans les mains.

"C'est une jolie poupée que tu as là, mon garçon, comment s'appelle-t-elle"

"Pou-pée, dit Rodolfo en hurlant presque"

Le Gris a un mouvement de crispation du visage, puis reprend :

"Elle est bien habillée. Pourquoi l'as-tu habillée comme ça ?

Rodolfo se tourne vers moi : il n'a manifestement pas de réponse à fournir. Encore à moi de broder là-dessus.

"Il a fait cela après une balade en ville. Sans doute une fille qui passait qui était habillée comme ça..."

Le Gris continue son interrogatoire :

"Et tu l'as vu où, cette fille?"

Rodolfo fait un grand geste circulaire, puis dessine dans l'air des pointes de flèches...

"Il dit quoi? me demande le jeune Gris"

"Sans doute un grand bâtiment, avec des tours..."

"Mais quoi exactement?

"J'en sais rien, moi. Demandez-lui, si vous êtes plus malin!"

Je crois qu'au moment précis où j'ai prononcé ces mots, je me suis rendu compte que j'avais fait la plus grosse connerie de ma vie.
Le premier coup de crosse de son arme est allé directement dans mon estomac, manquant de peu de le vider sur le champ.
J'étais à peine à terre, que le jeune Gris m'a balancé de violents coups de botte et s'est servi de la crosse pour des coups plus fins, mais plus douloureux, aussi.

Ayant abandonné l'idée de conserver des côtes intactes, je tente délibérément de protéger ma tête de l'avalanche qui me tombe dessus.

C'est presque au point comme truc ! Mais merde, qu'est-ce que ça peut faire mal !

Je crie, tout ce que je peux, et cette expérience m'apprends la règle numéro un du lupanar : dans un bordel, personne ne vous entend crier!

"Suffit Vultine, dit le chef du peloton de Gris, on en tirera rien, allez, on y va!"

Merci, merci du fond du coeur. Tout est plus calme maintenant. Je rampe, et cherche une position moins douloureuse. Rodolfo s'est approché.

"T'as mal?"

"Bougre d'andouille! (malgré le sang dans ma bouche, j'arrive encore à parler, un miracle !) Bien sur que j'ai mal après tout ce que j'ai reçu ! Emmène la poupée chez Gina, dis lui que c'est la marchandise pour le sac à patates, elle comprendra ! Allez, vas-y!"

Rodolfo hésite, puis quitte la pièce, la poupée à la main. Ahahaha... Si j'avais pas si mal aux côtes j'en rirais : l'avenir des transmigrés repose sur un demi-idiot, tenant une poupée à la main, qui court dans le quartier des bordels.

Lamentable... Par mes mouvements de reptation, j'ai atteint la chaise.
A trois, je me lève. 1, 2...3!

Bon, je vous avoue, que s'il y'a bien une chose qu'il faut pas faire qu'on en prend une tournée monumentale, c'est se lever brutalement.
Y'a que dans les films d'holovision qu'on voit les gars se relever 30s après des coups.
J'appartiens manifestement pas à cette catégorie de héros.
J'ai atrocement mal, je craque de partout. En plus, ma vision se brouille, et alors que je tente d'atteindre la porte, ou ce qu'il en reste, la chambre se met a tourner comme dans un manège.
Mes dernières pensées sont pour le sol que j'ai mis tant d'efforts à quitter, et que je rejoins tout aussi rapidement...

Erion, le conteur nomade.

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