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VOYAGES

L’avion manoeuvre dans une chaleur étouffante, une odeur de gaz d’échappement emplit la cabine. Les carlingues étincellent sous le gris épais du ciel.
Des carcasses de voitures blanches se découpent sur l’orangé de la mesetta, illuminée par le crépuscule de cette fin d’automne.
Nous décollons vers les îles Canaries.
Ma voisine vient de faire un discret signe de croix.

Je cherche la sécurité des visages connus, pourtant je devrais plutôt chercher la solitude, cette solitude qui suscite l’ennui, mais pas n’importe quel ennui : L’ennui créateur, celui qui vous fait rêver, extirper des profondeurs les dragons cachés.

L’atmosphère dans l’avion est devenue plus feutrée. C’est le moment où, comme dans tout voyage un peu long, l’esprit désoeuvré, après avoir épuisé les préoccupations superficielles, se tourne vers l’intérieur de l’être. Il explore, il cherche, et on se retrouve soudain face à soi-même. J’ai repensé à nouveau à cette enfance étrange que je refusais de quitter.

Les filles m’indifféraient, les scènes d’amour dans les films m’ennuyaient. Je m’évadais dans les mondes imaginaires de la science-fiction. Je trouvais les jeunes femmes en minijupes, maquillage outrancier et poitrines avenantes, grotesques. Je détournais le regard à leur passage, indifférent, subissant douloureusement l’offensive de leurs regards. J’avais les cheveux longs, un visage ovale, les yeux noirs comme la nuit.
J’avançais dans la vie, aveuglé par les certitudes d’une adolescence romantique et nantie.

J’étais introverti, indifférent aux sollicitations du monde. Préférant m’abîmer dans les profondeurs de mes rêves, espérant cette jeune femme un peu garçonne : alter ego incarnant ma féminité inavouée qui m’aurait accompagné dans mes orbites galactiques.


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