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THANATOS,Les Récifs. (Dernier extrait)

RÉCIFS

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Euryale voyait son corps dériver entre deux eaux, au milieu des cascades. Les sortilèges de la pierre des Récifs maintenaient son incarnation biologique en vie. Son corps divin et ses multiples identités, erraient au-dessus du tapis de feuilles mortes qui couvrait la surface du lac enchanté.

Elle avait quitté Dyl pour savourer de nouveau l’énergie ténue des Récifs, sa brève conversation avec Gillian l’avait épuisée. Elle accompagna, de sa présence imperceptible, le fils de Raphaëlle qui s’avançait sur le pont, elle se réchauffa à la chaleur de l’embryon d’esprit divin enfoui au fond de son être.


TRISTAN

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Jamais je n’ai été aussi heureux et aussi triste que dans cet étrange paysage de conte de fée. Je marche entre les sculptures de dragons du pont de pierre, qui relie les temples aux récifs avoisinants.

L'air s'est assombri, le crépuscule approche, et les lucioles perdent de leur éclat. Les premières lueurs scintillent, aux fenêtres des palais accrochés à flanc des parois. Une petite esquif, ses ailes en delta déployées de part et d’autre de la coque, s’enfonce dans la pénombre bleutées des corridors rocheux. Ses feux de positions allumés miroitent dans l’eau du lac d’Euryale.

Les torches, qui bordent les entrées du pont, s’enflamment par enchantement, diffusant leurs pâles clartés orangées sur les racines des chênes cramponnés aux rochers. Il y a dans l’air la mélancolie d’un début d’automne.
Quelques feuilles mortes, emportées par la brise s’accrochent mollement aux aspérités de schiste noir. L’esprit vide, je m’ouvre à l’infinité de ce monde, et à cet instant que je voudrais éternel. Je frissonne.

La pâleur des lucioles s’épuise et j’entends les bruits du débarcadère.

Le balancier du temps, m’entraîne de son mouvement inexorable, dans les souterrains de la conscience. Starless : sans étoiles, le mot a émergé des limbes de mon esprit.
Je vois des gens, des gens si proches que les éclats de leurs voix me brûlent tel un fer rouge. Je ressens trop fortement l’immensité qui nous sépare, je les sais étrangers dans leur similitude. Je vois une galerie de reflets de ce que je suis, de ce que j’avais été, de ce que j’aurais voulu être, de ce que je ne serai jamais. Je vois la vie, ma vie, leur monde, mon monde. J’aurais voulu quelqu’un à mes côtés pour pleurer, mais il n’y a personne. Je me sens trop seul.

Le vent agite mes cheveux, et j’aspire une profonde bouffée d’air, pleine des fragrances humides de la mousse des chemins creux. Je rêve de Dyl à mes côtés. Je désespère de jamais la revoir. J’imagine son visage appuyé contre ma joue, ses lèvres contre les miennes, son corps aux muscles tendus comme la corde d’un arc.
Je hurle dans la brume mon bonheur et ma souffrance. Je suis seul au paradis.
©1997Editions Florent-Massot
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