Hyper-Realisme-Immersif
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L’HYPER-RÉALISME IMMERSIF en art plastique et en SF.


Mon travail de plasticien s’inscrit dans une démarche figurative très ancienne que je définirais comme étant de l’Hyper-réalisme immersif.

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le terme d'hyper-réalisme immersif, qualifie pour moi, une démarche spécifique, une motivation d’auteur, à la fois dans le monde des arts plastiques, comme dans celui du cinéma ou du jeu vidéo, qui serait caractérisée par une volonté d'immerger le spectateur dans une cosmogonie imaginaire et spéculative, en s’efforçant de simuler le plus précisément possible nos modes de perceptions sensuels, tout en investissant l’œuvre d’une charge émotionnelle forte.
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Le but étant de susciter dans l’esprit du spectateur ce moment très particulier que les anglo-saxons appellent : suspension de l’incrédulité, «suspension of disbelief».
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L’hyper-réalisme immersif est l’expression de notre besoin ancestral de pouvoir communiquer et transmettre de l’information, de l’émotion à nos semblables avec le plus d’efficacité et de fiabilité possible.


Quoi de plus efficace en termes de transmission d'informations que de pouvoir immerger l’interlocuteur dans une cosmogonie artificielle et maîtrisée qui sera d’un réalisme en tous points semblable à ce que nos sens nous font percevoir de la « réalité » à chaque instant ?
L’exotérisme et l’ésotérisme initiatique condensés en une seule expérience vécue.

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L’histoire des arts a vu les techniques de l’hyper-réalisme immersif se perfectionner au long des millénaires des siècles, des décennies.
Les premières œuvres d’hyper-réalisme immersif qui nous soient parvenues de nos ancêtres étaient les peintures rupestres de bisons et autres animaux.

Il ne faut pas être trompé par la naïveté apparente des peintures préhistoriques. Je suis convaincu qu’une des principales motivations qui animait ceux qui ont peint les bisons dans l’obscurité des cavernes, était de « simuler » , malgré leurs techniques archaïques, la perception visuelle de la façon la plus « réaliste » possible,.
L’imagination aidant, la simple lumière dansante des torches permettait d’animer un instant ce bestiaire pictural épousant les reliefs des voûtes, lui conférant cette illusion de vie spécifique à la démarche de l’hyper-réalisme immersif.
Qui sait ? Peut-être les cavernes étaient-elles nos premières salles de cinéma ou de 3D immersives ? : Pendant les longues journées d’hiver, la tribu affamée pouvait s’y allonger pour y contempler des vallées merveilleuses pleines de gibier imaginaire.

Peut-être des bruiteurs simulaient-ils, pendant ces représentations, le bruit du vent dans la savane, les meuglements des animaux, les cris des chasseurs et les invocations des shamanes, alors que les « projectionnistes », rampant de voûtes en voûtes, illuminaient telle ou telle zone de la caverne ?


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Bien qu’on puisse tout au long de l’histoire des arts, certainement trouver des œuvres correspondant à ce que j’appelle l’hyper-réalisme immersif, les exemples parmi les plus caractéristiques de cette volonté de l’artiste de « simuler » fidèlement la perception visuelle de mondes imaginaires par la peinture apparaissent surtout à la renaissance :

Dans cette huile sur bois, « La chute des damnés » (.1400,1475) de Dirck Bouts le Vieux, Le peintre s’efforce par son traitement pictural de rendre ses démons les plus crédibles et visuellement pertinents.

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Le très célèbre tabeau représentant la tour de Babel par Pieter d.Ä Bruegel, (1525/30-1569).
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Où Bruegel s’efforce, par un soucis du détail et des événements décrits, et par une figuration « réaliste » de nous faire croire en l’existence de la construction de la tour de Babel. (Ouvriers, machines de levage, flotte marchande…)
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Les Ménines de Velasquez, (1656) qui par son jeu de mise en abîme célèbre, projette le spectateur dans la cours du roi d'espagne à la place du roi et de la reine est un tableau emblématique de l'hyper-realisme immersif.

Bien plus que le fameux portrait des époux Arnolfini de Van Eyck, c'est sans doute le premier tableau "dont vous êtes le héros"...

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« L’hyper-réalisme immersif » peut caractériser les œuvres de Jérôme Bosch, mais aussi le travail de certains orientalistes, quelques peintres symbolistes comme Füssli, Khnopff, Moreau, les « pompiers » ou les classiques comme Alma Tadema, trop hâtivement relégués dans les greniers de l’histoire de l’art par le discours simpliste du post-impressionnisme, où l’art se serait affranchi de la figuration réaliste grâce à la photographie.


Bosch, Hieronymus. 1450/1516 Le jardin des délices. 220/389cm Madrid Musee du Prado.

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La photographie n’a en rien fait disparaître la volonté de milliers d’artistes en art plastique de représenter des scènes imaginaires en s’approchant le plus possible de nos perceptions oculaires.
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Avant les jeux vidéo en 3D temps réels, le cinéma, est dans sa nature, un procédé technique à vocation immersive, à la fois par la simulation relativement précise de notre perception oculaire, mais aussi par l’utilisation de sons et bruitages de plus en plus «englobants ».

Mais, bien que toutes les œuvres cinématographiques pourraient s’inscrire dans une démarche d'« hyper-réalisme immersif », certaines me paraissent plus caractéristiques, ou emblématiques, comme 2001 l’Odyssée de l’Espace, Blade Runner, Alien, Terminator II etc.
Ces films sont des chefs d’œuvres qui sont motivés par une volonté préalable de leurs auteurs de nous proposer des cosmogonies totalement imaginaires, où le souci du détail, la pertinence prospective du design, le « réalisme » dans l’usure des décors, les jeux d’acteurs et de figuration, contribuent à générer cette fameuse « suspension de l’incrédulité » caractéristique de l'Hyper-réalisme immersif.


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En art plastique, les Anglo-Saxons ont conservé jusqu’à aujourd’hui une longue tradition d’Hyper-réalisme immersif au travers des peintures militaires, et en particulier de la peinture marine.

Le style, les maniérismes d’auteurs ont tendance à s’y effacer, derrière un soucis de figuration réaliste, qui, bien que proche de la photographie, n’en est pas moins chargé d’une dimension émotionnelle spécifique à la peinture et que le photographe aura beaucoup de mal à capter.
http://www.asaa-avart.org/
http://www.military-art.com/

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Enfin, pour revenir à l’origine de mon argumentation, la Science-Fiction est certainement une espèce Noosphérique où la démarche de l’hyper-réalisme immersif s’inscrit sans doute avec le plus de pertinence, et poursuit après une parenthèse d’un siècle, la quête immersive des peintres pompiers, des symbolistes, des orientalistes ou des classiques.
CHESLEY BONESTELL Mais curieusement, en Science-Fiction, l’hyper-réalisme immersif apparaît très tardivement dans les années 50 avec les illustrations décrivant la conquête de l’espace de Chesley Bonestell.
En effet, tous les illustrateurs de SF ne font pas de l’hyper-réalisme immersif. Ainsi Bilal, Druillet, Caza, Moebius, pour citer les artistes récents les plus célèbres et dont j’apprécie beaucoup les œuvres, ne cherchent pas, dans la majorité de leurs œuvres, à « simuler » la perception oculaire.


Leurs œuvres parlent à l’esprit presque directement sans chercher le trompe-l’œil. Bien que figuratives, leurs œuvres ne sont pas de l'« hyper-réalisme immersif ».

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De même les précurseurs comme Robida, ou les illustrateurs de Pulps ne cherchent pas non plus à tromper l’œil.
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Tout comme les auteurs de BD, et sans doute pour des raisons économiques et culturelles les illustrateurs de la Science-Fiction du début du XX me siècle ne travailleront pas dans le sens d’une figuration réaliste immersive, alors qu’ils sont parfois contemporains des symbolistes, des orientaux ou des classiques.
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Tout comme les auteurs de BD, et sans doute pour des raisons économiques et culturelles, les illustrateurs de la Science-Fiction du début du XX me siècle ne travailleront pas dans le sens d’une figuration réaliste immersive, alors qu’ils sont parfois contemporains des symbolistes, des orientaux ou des classiques.
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CHRIS FOSS Dans les années 70 le grand peintre emblématique de l’hyper-réalisme immersif est pour moi l’illustrateur Chris Foss
Chris Foss, dans ses illustrations de romans de SF éditées dans des recueils parus en 1977 et 1978, applique les techniques d’hyperréalisme figuratif de la peinture militaire aux cosmogonies imaginaires de la SF, conférant ainsi à ses scènes « improbables » des qualités immersives propres à provoquer cette suspension troublante de l’incrédulité chère aux amateurs du genre.
( Autre exemple plus récent, (parmis beaucoup), un grand maître de l’hyper-réalisme immersif en illustration de SF c’est Michael Whelan

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En septembre 2002, il a été possible d’admirer une très belle exposition d'hyper-réalisme immersif au festival Visions Du Futur à la mairie du 18me de Paris.

www.noosfere.org/heberg/visions/

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exposition qui regroupait un très grand nombre d'artistes et illustrateurs de la science-Fiction francophone.
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Philippe Manchu qui est un des plus célèbre illustrateur de SF français y exposait plus de 36 originaux. Il incarne pour moi l’artiste dont l’œuvre est en parfaite adéquation avec le concept d'Hyper-Realisme immersif.
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Dans une interview qu’il m’a accordée pour mon documentaire sur les noonautes,
Manchu explique comment il se projette dans les mondes hyper-réalistes qu’il peint.

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Son effort de précision réaliste exprime sa volonté d’immersion dans les cosmogonies qu'il imagine.


Et par la qualité de son travail, sa maîtrise des techniques picturales, il arrive à transmettre au spectateur une petite partie de son exploration immersive spirituelle...

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Au dela des scènes de romans illustrées, les peintures de Manchu nous projettent dans un film qui n’a pas encore été tourné.


La contemplation attentive de certaines de ses œuvres nous permet presque de ressentir dans notre corps, ce que seront les immersions kynesthésiques du cyberespace de demain.

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En littérature, l’argumentation est plus difficile.
En effet, on ne peut pas dire que l’écriture simule quelque sens que ce soit, sinon directement nos capacités d'immersion spéculative de notre système cognitif via le regard. (mode de noocontamination mémétiques des plasmes de P.K.Dick)

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Cependant, je ne sais par quelle intuition, je dirai que l’hyper-réalisme immersif est une caractéristique de la très grande majorité des romans de SF, bien que ce qualificatif soit moins pertinent pour certains auteurs comme Fredric Brown ou Bradbury (entre autre), il convient parfaitement je pense pour la trilogie d'Asimov.
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A suivre...

Yann Minh, noonaute en pleine tentative d’immersion réaliste… Remerciements à Joseph Altairac pour ses infos, et sa collection de Pulps.


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